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Louis-Joseph Papineau

moins d’un quart de siècle ? Une nationalité n’a de vrai principe de vie intérieure que la conscience active de sa personnalité. Du jour où elle abdique son être moral aux mains d’une puissance étrangère, elle n’a plus de durée que celle de son agonie. Chassons toute illusion. Aucune force de résistance ne vaut contre une telle abdication. L’essence de la vie pour les êtres libres, c’est de vivre librement ; dans la discipline et dans l’ordre, sans doute, mais aussi dans la liberté. Les glaciers formidables qui évoluent sur les côtes orientales de notre pays, ont l’air de masses indestructibles. Sur la route des paquebots, on les dirait les rois de l’océan. Mais sans pouvoir sur les courants ni sur l’atmosphère qui les enveloppe, que restera-t-il bientôt des gigantesques banquises qu’un peu d’écume à la surface de la mer ?

À l’heure où Louis-Joseph Papineau entre dans la vie publique, le péril apparaît-il clairement aux yeux de tous ses compatriotes ? Pour les Canadiens du début du dix-neuvième siècle, la volonté de durer comme groupe ethnique autonome, maîtres de leur vie, subsiste-t-elle avec la belle vigueur, l’ardente espérance qu’avait connues l’époque de « l’Acte de Québec » ? Plus ou moins consciemment, à la suite des reculs déjà consentis, ne se plie-t-on pas volontiers au rôle de peuple ancillaire, résigné à une absorption toujours indésirée, mais dont l’image va s’adoucissant ? La première génération de nos parlementaires vient de s’éteindre. Beaucoup de ces hommes ont appartenu à l’ancien régime. S’ils ont prolongé, jusque dans l’ère constitutionnelle, une obstination française, ils ont aussi légué à leurs successeurs, avec leur loyalisme un peu absolu, leur état d’âme de monarchistes français. Un bon nombre d’entre