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La Famille canadienne-française

cette deuxième sommation respectueuse et par ce style vraiment pathétique, le ton de Jean-Claude devient nettement larmoyant :


Mon cher et honoré père,

« Pénétré de la plus vive douleur j’ay recours à cette tendresse paternelle dont j’ay senti tant de fois les doux mouvements. Serait-il possible, mon cher père, que vous m’en priveriez dans un temps (où) elle me serait si essentielle ? Non, je suis certain que vous êtes trop amateur du salut des âmes pour me désapprouver en ce que je persiste… »


Si vous cherchez le secret d’une autorité si grande, presque redoutable, c’est que, par en haut, elle a des attaches vraiment surnaturelles. Il faut en effet se rappeler que le chef de la vieille famille canadienne exerce en quelque sorte, à son foyer, un pontificat domestique. Ne sont-ce pas de véritables rites sacrés qu’il y accomplit ? C’est lui qui est promu au geste de bénir. Il bénit la première poignée de blé avant de la mettre en terre ; à table il bénit le pain avant de le trancher ; et surtout, le matin du premier de l’an, il lève solennellement les mains au-dessus de la tête de ses enfants pour les bénir comme un patriarche. Émouvante et grandiose cérémonie où se résume peut-être plus qu’en toute autre tradition, l’esprit de nos aïeux. Si grands sont alors l’esprit de foi et le prestige du père, que cette bénédiction du premier de l’an, personne ne voudrait la manquer, dans la famille, tellement on la croit ratifiée là-haut par Dieu et tellement l’on se croit tenu à cet acte de foi et hommage envers le seigneur de la maison. Les enfants mariés, éloignés du foyer,