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Notre Maître, Le Passé

L’éducation physique se parfait surtout par l’apprentissage du travail auquel les enfants sont vite assujettis, trop tôt quelquefois, sinon pour le développement de leurs muscles, du moins pour celui de leur intelligence. La vie est dure pour tout le monde en ces temps anciens ; les enfants n’échappent pas à la loi commune. Le plus souvent d’ailleurs eux-mêmes ne prétendent pas y échapper, tellement le travail leur a été inculqué comme un devoir de vaillance naturelle. Et personne assurément n’est plus fier à la campagne qu’un garçon de quatorze ou quinze ans qui mène sa paire de bœufs ou de chevaux, qui sait charger un beau voyage, tire déjà droit son coup de charrue et s’entend dire en soirée, devant les filles, qu’il est fort et travaille comme un homme.

Le travail, ce fut, pendant longtemps, la profession universelle en Nouvelle-France. Quelques-uns n’ont-ils pas vu les filles de M. de Saint-Ours aller travailler aux champs, tenir la faucille et même la charrue ? La femme et la fille de M. de Tilly labourent la terre tous les jours, nous affirme Denonville, et M. de Tilly est cependant gentilhomme et conseiller du Conseil Souverain. Kalm nous raconte que les filles du meilleur monde, voire celles du gouverneur, habillées pour l’occasion, s’en allaient dans les cuisines et les celliers, s’assurer que tout y était en ordre. Non, l’on ne croyait pas, en ce temps-là, que ce fût déroger pour une demoiselle que de ceindre un tablier de cuisine et qu’il fût noble de ne rien faire.

Et pourquoi les enfants ne feraient-ils pas ainsi, puisque leurs parents exercent tous les métiers et que la famille canadienne essaie de se suffire autant qu’elle peut ? Le père n’est pas seulement défricheur et agriculteur ; il est aussi maçon, char-