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L’Histoire Acadienne

isolés. La distance, des forêts impénétrables les séparent de Québec. De la mère-patrie, ils sont séparés par une politique coloniale de lésinerie et d’intermittence dans l’action. Ils vivent enfermés dans l’enceinte de la baie française. Ils ne doivent presque rien à l’immigration ; ils ne doivent qu’à eux-mêmes. À partir de 1686, la population ne s’accroît plus que de sa propre vitalité. En 1701, les neuf-dixièmes des habitants appartiennent aux premières souches acadiennes, 47 familles d’où est sorti presque tout ce peuple. Il grandit rapidement ; il se double tous les seize ans. Habitués à se passer de la métropole, à ne compter que sur eux-mêmes, l’occupation anglaise n’arrête point la vitalité ardente des Acadiens. C’est à Port-Royal qu’est le foyer vivant de la race ; mais bientôt la ruche primitive devient trop étroite et des essaims se répandent dans les anses profondes de la baie française ; surtout au bassin des Mines, à Beaubassin, à Cobequid, à Péticoudiac, à Menrancou.

Lorsque le 12 octobre 1710, abandonné par la France, mais ayant satisfait à l’honneur français, l’héroïque Subercase cède définitivement l’Acadie aux Anglais, une nouvelle race est née. Trois générations ont grandi sur la terre acadienne. L’isolement, le climat, la vie de combats et d’aventures ont rapidement modifié le type primitif. Il en est résulté une petite race française d’excellente venue, race de vie paisible et pastorale, avec une pointe héroïque dans l’âme. Tout un passé d’aventures revit dans une passionnante épopée primitive, avec des exploits de chasse, de flibuste, avec le souvenir d’un Biencourt et d’un Latour, et surtout d’un Vincent de Saint-Castin, le héros des montagnes acadiennes, le prince légen-