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Notre Maître, Le Passé

que impression qui en reste au parlement de Kingston, c’est la préoccupation étrange de nos députés pour des choses plus hautes que les intérêts matériels. Le lendemain de l’historique séance, le correspondant du « Canadien » écrit de Kingston : « Poursuivre la justice, tenir aux principes contre des gens qui vous offrent de bons et gros votes d’argent, c’est ce qu’on appelle ici « a French motion », une idée française, une idée folle et ridicule. »

Vous savez la suite. Les hommes du Haut-Canada apprirent à leurs dépens la puissance active d’une « French motion », d’une idée française. L’article proscripteur de la langue se trouva déchiré pour jamais. Le chef vit ses partisans lui emboîter le pas. Le jeune Chauveau fit son entrée en Chambre ; il choisit de ne parler que français et ce charmeur accomplit presque cette merveille de réconcilier les oreilles anglo-saxonnes avec la langue de la civilisation. Wolfred Nelson suivit l’exemple de Chauveau ; puis, très habilement, par une stratégie savante, les députés canadiens-français multiplièrent les empiètements. À la session de 1844, vous les voyez soutenir l’obligation, pour le président de la Chambre, de savoir les deux langues, et Allan McNab ne peut se faire élire contre Morin que par trois voix de majorité. Le 17 février 1845, M. Laurin présente une résolution dont le texte officiel est le français. McNab refuse de l’accepter, provoque un vote de la Chambre et ne l’emporte que par une voix. À ce moment la députation canadienne-française se décide au suprême assaut ; par la bouche de M. D.-B. Papineau, elle demande au gouvernement impérial, l’abrogation pure et simple de l’article XLI de la constitution. Il fallut subir les tiraillements de la