Page:Groulx - Notre maître, le passé, 1924.djvu/191

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commises, ont pris place sur un socle. Mais, dans la mesure où le permet la justice, gardons cette faculté noble et saine qu’est le goût d’admirer. Une grande bienfaisance domine de haut ce que l’on pourrait appeler les imprudences, les erreurs stratégiques de Louis-Joseph Papineau. À ce chef nous devons l’état d’âme qui pendant un demi-siècle soutint nos pères. Lorsqu’un homme a rendu pareil service à sa race, elle garde encore le droit de lui demander compte de ses fautes ; elle a perdu celui de lui marchander la gratitude et peut-être la gloire. Louis-Joseph Papineau a contribué à notre prestige historique. L’heure ne viendra jamais d’abattre cette statue. Nous croyons, au contraire, que le prochain avenir réserve à son souvenir un renouveau, sinon une revanche. Sa gloire gagnera parmi nous tout ce que gagnera le sentiment de l’indépendance politique. C’est un instinct des peuples, aux heures troublantes de leur vie, de se retourner vers les grands noms de leur passé. Dans Eschyle, quand les Perses ont besoin des suprêmes conseils, ils font surgir devant eux « l’âme illustre » du grand Darius, « celui dont la terre Persique n’a jamais contenu de semblable. » Si un jour notre pays et peut-être aussi notre race doivent graviter vers leurs destinées naturelles, spontanément nous nous retournerons vers les doctrines et les hommes qui, de loin, auront préparé cette aube magnifique. Ce jour-là le socle de Louis-Joseph Papineau montera d’une coudée.


Septembre 1921.