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Notre Maître, Le Passé

paru se rendre compte des attitudes qui s’imposent à une minorité ? Devant les dénis de justice, n’ont-ils pas réprimé constamment nos sursauts de conscience quand il fallait suppléer à notre faiblesse par une courageuse dignité ? Que dis-je ? Au lieu de nous signaler les atteintes faites à notre droit pour ce qu’elles sont en réalité, la tactique trop fréquente ne fut-elle pas de nous les représenter comme un empiètement presque légitime de la force, comme une concession nécessaire au fanatisme ? Désunis même aux heures les plus critiques, mettant le parti avant la race, nous avons passé notre temps à nous gargariser avec les grands mots vides de générosité et de « fairplay » britanniques, quand, avec la langue et la foi, on tentait de nous arracher l’âme. Pourquoi dès lors nous étonner qu’avec de pareilles méthodes de combat, nous ayons récolté le mépris et qu’au lieu de s’assouvir, le fanatisme ait accru ses appétits ?

Aujourd’hui le mal est profond, incurable, et la situation nous apparaît sans issue. Est-il possible de réparer l’erreur d’un demi-siècle, de parer à la catastrophe prochaine ? Il faudrait attendre des hommes d’État canadiens qu’ils rompent sans retard avec une politique néfaste et qu’ils ramènent notre pays dans ses voies naturelles. Nous aurions, pour notre part, à reconquérir le respect de l’autre race ; par notre courage et notre dignité nous aurions à restaurer au Canada les notions de droit et de justice. Mais hélas ! une puissance irrésistible ne paraît-elle pas nous emporter vers je ne sais quel échec fatal ? Les faux mirages de l’impérialisme éloignent de plus en plus nos gouvernants de l’intelligence du problème canadien. Et nous, avec notre fierté déprimée, rongés