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Nos Zouaves

colline du Janicule où nos zouaves ont bivouaqué, près du vieux chêne du Tasse, à quelques pas du couvent de Saint-Onufre où repose le poète des Croisades, je songeais à ces revanches providentielles de la foi et de l’idée. Avec la fin douloureusement tragique du chantre de la « Jérusalem délivrée, » on avait cru, en ce temps-là, que c’en était fini à jamais de la chevalerie et du vieil idéal chrétien. Et voici qu’après trois cents ans, le chêne séculaire et le tombeau du poète frémissaient l’un et l’autre au souffle d’une nouvelle croisade et d’une jeunesse chevaleresque. Il en est des croisades nouvelles comme des anciennes : aucune ne réussit et toutes réussissent. Le droit de Dieu qui n’a nul besoin de vaincre, n’exige que d’être servi.

Et c’est pourquoi les zouaves seront toujours nécessaires. Puisque vous achevez votre vie, ô vétérans de 68, ô soldats de Pie IX, j’ose vous faire cette demande : laissez aller quelquefois votre prière vers la jeunesse qui attend ses devoirs. Avant de mourir, faites-lui le legs de votre âme et de vos héroïques vingt ans. Dans nos misères et l’affaissement général, il faut que d’autres relèvent le drapeau et reprennent l’uniforme bleu. Qu’importe, autour des saintes causes, la débandade universelle ! Dieu, le commandant suprême, vous crie comme autrefois le vieux Canrobert à vos pareils de Zaatcha : « Zouaves, quand on sonne la retraite, ce n’est pas pour vous ! »

Mars 1918.