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La croix de Maisonneuve

chapelle de Ville-Marie, une cérémonie d’un caractère auguste et antique, une fête des temps de la chevalerie, alors que l’Église bénissait la vaillance et les épées. De Maisonneuve se battait contre de nouveaux barbares, ennemis du Christ et de la civilisation chrétienne ; comme les paladins de jadis, il demanda pour sa vaillance et pour son épée l’investiture de l’Église. Au moment où la procession allait se mettre en marche vers le sommet de la montagne, de Maisonneuve vint s’agenouiller près de sa croix et demanda à être sacré chevalier. Un ministre de Dieu, devant l’assemblée émue, récita sur le paladin moderne la prière ancienne prononcée sur la tête des vieux croisés de France : « Seigneur, nous prions votre clémence infinie de protéger toujours et partout et de délivrer de tous les périls votre serviteur qui, selon votre parole, désire porter sa croix à votre suite et combattre contre vos adversaires pour le salut de votre peuple choisi. »

La procession s’ébranla. Ce fut une rude montée de Calvaire. Les colons de Ville-Marie s’en allaient à travers bois et neiges, par les sentiers mal battus. En tête marchait une troupe de pionniers, avec mission d’ouvrir et de battre le chemin. Puis venait de Maisonneuve chargé de la croix. À sa suite marchaient les colons, les uns armés du mousquet, les autres chargés des pièces d’un autel et des outils nécessaires à l’érection du calvaire. Le pèlerinage gravissait la rude pente, long ruban noir sur la neige blanche, pendant que, sous la voûte des arbres séculaires, frissonnaient les strophes mystiques de l’« O crux, ave, spes unica ! »

Enfin le sommet apparut. L’autel fut dressé. Le Père du Perron commença l’introït : « Ecce