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Notre Maître, Le Passé

jusqu’au jour où Rome lui accordera un coadjuteur, il restera « cet étrange voyageur couvert de poil et de frimas qui, tout à l’heure, fera sa maigre soupe d’herbe et de neige fondue, qui le soir dormira à la belle étoile », sans perdre jamais, au milieu de ces incroyables misères, son courage et son enjouement. Il écrit à sa mère : « Une couverte, une hache, une chaudière, une paire de raquettes et quelques livres de viande sèche ou de pemmikan, voilà tout l’attirail de nos voyageurs… Avec cela on parcourt le monde septentrional, souvent un peu fatigué, quelquefois glacé, mais toujours de bonne humeur. »

Tant d’héroïsme devait produire des fruits. Et c’est bien les plus grandes floraisons de l’Église, que rappelle cette poussée soudaine de croix et de clochers qui surgissent à vue d’œil sur tous les points de la plaine occidentale, dans le bassin du Mackenzie et jusqu’aux approches du pôle. Là, dans ces régions où n’erraient l’hiver que les clartés des aurores boréales, une brillante lumière, celles des symboles de la Rédemption, éclairait enfin la grande nuit. Chaque croix est un jalon qui signale l’avance des conquérants et marque le suprême effort où s’est tendue leur volonté. Sous l’impulsion vigoureuse du chef tout s’organise et tout progresse. Sur les pas des premiers missionnaires, d’autres sont venus ; ils sont maintenant une légion qui vont par toutes les routes. L’Église procède là comme partout ailleurs : auprès des clochers s’élèvent des écoles, des hospices ; dès les premières heures, de petites religieuses assez intrépides se sont trouvées pour suivre les hommes de Dieu. Avec l’année 1871 Saint-Boniface va devenir le siège d’une province ecclésiastique ; un évêché suffragant est établi à Saint-Albert, un