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Notre Maître, Le Passé

re pleine de pittoresque, de fantaisie, de légende, dans le goût de M. Augustin Thierry et de M. Michelet, leçon coupée çà et là, par Thérèse, de quelques digressions classiques.

« Il y a bien longtemps que cela s’est passé », commence le jeune historien. « C’était dans le temps des grands bateaux à voiles et des canaux d’écorce. M. le curé n’était pas encore arrivé dans la paroisse ; grand-père, à ce que je pense, devait être tout petit comme moi. »

— « Et grand’mère aussi », fait Thérèse qui ne veut pas s’en laisser imposer par tant de science.

— « Beau dommage ! » acquiesce Paul qui continue. « M. Hertel, le papa de François, demeurait dans une ville bien loin, bien loin d’ici, qui s’appelle Trois-Rivières, dans ma géographie ; tenez, voyez. »

Thérèse et moi nous vérifions.

« Dans ce temps-là ce n’étaient pas des maisons et des villages partout ; c’était presque rien que du bois, et dans ce bois il y avait des Iroquois, de grands sauvages, oh ! mais pas des sauvages comme ceux qui viennent nous vendre des paniers… »

— « Des paniers comme celui de tante Rose ? » interroge Thérèse.

— « Oui, oui. »

« Des paniers de foin de senteur où elle met ses mouchoirs ? »

— « Mais oui, mais oui. »

« Et c’étaient de grands Iroquois qui portaient des plumes sur la tête, avaient le visage tout peinturé en rouge, en noir, en jaune et qui étaient laids pour la peine, je vous assure. Ces Iroquois tuaient le monde et le mangeaient. La maman de François Hertel lui avait défendu de s’éloigner de la