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Notre Maître, Le Passé

— « Et pourtant François Hertel dit au grand chef : « Non, monsieur l’Iroquois, les Pères et maman en auraient trop de peine. J’aime mieux le Bon Dieu que tous vos manitous. »

« Alors le grand chef iroquois prit la main de François et mit un des doigts du petit Hertel dans sa grande pipe allumée. Et il tint la main de François jusqu’à ce que le doigt fut tout brûlé, tout brûlé. Ensuite le grand chef ou un autre, je ne sais pas, prit l’autre main de François et en coupa le pouce. Allez ! ça fait mal pour la peine un doigt brûlé comme cela et un pouce coupé. »

— « Oh oui ! » soupire Thérèse sincèrement émue.

Et Paul, tout heureux de cette concession d’ajouter :

« Ce n’est pas votre Madeleine de Verchères, mademoiselle, qui en aurait enduré tant que cela. Et vous pouvez croire que je n’invente rien. François Hertel, quelques jours plus tard, sur un morceau de bouleau, envoyait au Père Lemoine cette belle lettre. Écoutez bien :


« Mon cher Père… le jour même que vous partîtes des Trois-Rivières, je fus pris sur les trois heures du soir par quatre Iroquois d’en bas ; la cause pour laquelle je ne mis fis pas tuer, à mon malheur, c’est que je craignais de n’être pas en bon état… Mon Père, je vous prie de bénir la main qui vous écrit et qui a un doigt brûlé dans un calumet pour amende honorable à la majesté de Dieu que j’ai offensé ; l’autre a un pouce coupé. Mais ne le dites pas à ma pauvre mère. »


— « Les Iroquois étaient-ils quarante dans le bois des Trois-Rivières ? » demande Thérèse, quand Paul a fini.