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Notre Maître, Le Passé

l’heure où, son voyage de découvertes fini, Jolliet redescend à Québec par la route des lacs et du fleuve, un jeune Français qui commande au fort Frontenac, se tient, lui aussi, les yeux tournés vers le Mississipi. Quatre ans avant Jolliet, Cavelier de la Salle a déjà descendu l’Ohio. En 1679 il se remet en route pour parachever l’œuvre de son prédécesseur ; le 6 avril 1684, il atteint le delta louisianais. À partir de ce jour, les grandes routes de l’Amérique sont ouvertes ; un axe nouveau est donné à la Nouvelle-France où bruira, pendant un siècle, la plus intense activité. Pour organiser ce nouveau centre vital, la colonie peut compter sur ses coureurs de bois et ses missionnaires. Ce sont eux qui concentreront comme en un canal collecteur, les affluents épars de la vie pour les jeter ensuite dans les grandes artères de l’Outaouais et du Saint-Laurent. Perrot et Du Lhut se chargeront d’orienter le commerce. Du fond de la baie des Puants, le premier servira d’agent de liaison aux Indiens du sud ; dans tout le pays des Miamis et des Illinois, il tiendra dans sa main les caravanes des canotiers. Le second, établi parmi les Sioux, inclinera les nations de l’ouest vers le Sault, pendant que, de son poste du Nipigon, La Tourette, son frère, s’efforcera d’attirer vers les grands lacs, le courant commercial de la baie d’Hudson. Oui, voilà bien quelles besognes se taillaient les hommes de cette époque énergique et hardie.

Certes, on peut trouver à redire à la grandeur démesurée du rêve de Talon. Qu’était-ce, pour fonder un empire, qu’une simple chaîne de forts, aux mailles mal soudées, séparées parfois les unes des autres, de trente à cinquante lieues et enserrant une solitude ? Aujourd’hui le voyageur qui parcourt ces régions, trouve à peine, sous l’herbe,