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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/107

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UN PETIT NOËL


La veille de Noël, au matin, Ludger Aubuchon, immobile, dressé comme une colonne sur le coteau, au milieu de l’île, regardait d’un regard dur le paysage de tristesse offert à sa vue. Il regardait les arbres nus tourmentés par des bourrasques, la terre grise que la gelée avait crevassée de toutes parts, et les maisons transies, malgré le rempart de paillis au solage, sous les assauts du vent jour et nuit à l’affût de quelque ouverture. Il regardait surtout les bordages qui dentelaient à peine l’île et le Saint-Laurent charriant des glaçons à pleine rivière. Que n’aurait-il donné pour voir le fleuve se figer à l’instant en un pont de glace qui lui permettrait de courir à Sorel acheter quelque gâterie à Marie-Amanda et le jouet convoité par sa petite Mathilde ?

— C’est de malheur, dit Ludger en entrant à la maison, d’entreprendre de tristes