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Page:Guèvremont - En pleine terre - paysanneries - trois contes, 1942.djvu/92

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Germaine Guèvremont

— Pas moé. J’étais rien que ça de haut. Ma vieille mère, elle, pourrait t’en dire long. Elle a tout vu. Avec ça qu’elle a une belle mémoire, capable de démêler une parenté, mieux qu’un notaire.

— Tu vas m’rendre vaillante avec tes compliments.

— Il est pas question de vaillantise, la mère. — À quoi ça sert de parler du vieux temps ?

— Ça sert à montrer aux jeunes, qui passent leur temps à jeunesser d’un bord pis de l’autre et à se lamenter, qu’ils sont au ciel, au prix d’autrefois.

Alix, consolée, renchérit :

— Quand memère conte des contes, c’est beau.

Et Grégoire, et Amable, et l’engagé, et tous l’exhortèrent si bien qu’elle commença :

— Dans l’ancien temps, les inondations arrivaient presquement à chaque année. D’ordinaire dans le mois d’avril. C’était pas souvent que le mai « s’aplantait » sur le pont de glace. On n’en faisait pas de cas, vu que l’eau d’inondation est pas à dédaigner pour engraisser les terres. Mais ce printemps-là,