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LE SURVENANT

— Bonne et heureuse !

— Toi pareillement !

Des cris, des rires, des hélas, des embrassades, des poignées de main, des vœux, des plaisanteries, pour se terminer par une tournée de petits verres, de beignets et de bonbons clairs, il y en eut jusqu’à l’heure de la grand-messe. Lorsque Marie-Amanda vit son père prêt à partir pour Sainte-Anne, elle lui recommanda :

— Mon père, tâchez de pas engendrer chicane à Pierre-Côme Provençal. Vous m’entendez ?

Didace la rassura. Plusieurs années auparavant, un matin du jour de l’an, Pierre-Côme Provençal, la main ouverte, s’était avancé vers Didace Beauchemin, sur le perron de l’église, après la messe : « Bonne année, Didace ! » Mais Didace, dédaignant la main de son voisin, lui demanda à brûle-pourpoint : « M’as-tu déjà traité de tricheux, toi ? As-tu dit que j’ai visité tes varveux, l’automne passé ? » — « J’m’en rappelle pas, mais j’ai dû le dire. » — « D’abord que c’est de même, tu vas me faire réparation d’honneur ! » Les paletots de fourrure lancés sur la neige, le temps de le dire, les deux hommes, d’égale force, se battirent à bras raccourcis, à la vue de toute la paroisse réjouie du spectacle gratuit, jusqu’à ce que Didace, le cœur net, jugeât son honneur vengé et serrât la main de Provençal :