Page:Guèvremont - Le survenant, 1945.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
LE SURVENANT

Dès le seuil de la porte, la chaleur de la salle basse de plafond, après le frimas du dehors, accueillait les groupes d’invités chez Jacob Salvail. Puis un arôme de fines herbes, d’épices, de nourriture grasse, avec de bruyantes exclamations, les saluaient :

— Décapotez-vous ! Décapotez-vous ! Les créatures, passez dans la grand-chambre ôter vos pelisses.

À tout moment des femmes, emmitouflées jusqu’aux yeux et dont il était impossible de deviner l’âge, pénétraient dans la chambre des étrangers. Elles n’en finissaient plus de se débarrasser de leurs grands bas, de leurs nuages de laine, de leurs crémones, de leurs chapes. Alors on reconnaissait des figures de jeunes filles, d’autres ayant passé fleur depuis longtemps et jusqu’à des vieillardes, les cheveux bien lissés et mises proprement dans leur spencer du dimanche, dépaysées au milieu de tant de monde.

Les jeunesses s’examinaient du coin de l’œil. Plusieurs étrennaient soit une matinée soit une jupe, quelques-unes une robe complète en alpaca ou en mérinos de couleur. Une cousine de Bernadette, de la côte nord, fit envie avec son corps de robe de Gros de Naples que sa mère avait reçu en présent de la seigneuresse de Berthier et qu’elle avait retaillé selon un modèle du Delineator. Toutes tenaient à paraître à leur avantage : les moins douées