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LE SURVENANT

Comment nommait-il la femme ? Ah ! oui ! L’Acayenne ! Un sobriquet sûrement. L’Acayenne. Le nom résonne lugubrement. Où avait-elle entendu ce nom-là ?

Maintenant il ne reste qu’eux trois, Didace, Amable-Didace et elle, à veiller au vieux bien. Son regard s’accroche à chacun des objets familiers comme pour implorer leur secours. En face, une seule image pieuse, hautement coloriée et invraisemblable, orne le pan de mur. Un saint Antoine mignard et l’enfant dans ses bras ont les mêmes cheveux blonds et bouclés, les mêmes traits enfantins, la figure de l’homme semble un simple agrandissement de celle de l’enfant à qui il aurait poussé une barbe miraculeuse. Au-dessus de la porte d’entrée pend une croix de bois rond. Un jour Ephrem était allé couper de la plane et il avait trouvé à la fourche d’un jeune arbre une croix d’une si belle forme naturelle qu’il l’avait apportée. À côté un rameau de sapin bénit, aux aiguilles encore vertes, serre son reste de vie contre le bois mort.

Sur des portraits de zinc, dans des médaillons de tilleul à roses grossièrement sculptées au couteau par un ancêtre artisan, deux des Didace Beauchemin régnent — ils sont six générations à porter le même nom — un collier de barbe en broussaille au menton, leurs robustes épaules étriquées dans un habille-