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LE SURVENANT

derrière : un signe de vie tout de même.

— Arrié ! Hé ! Didace !

Didace ne bougea point. Lui et Pierre-Côme Provençal se boudaient. Rarement avait-on vu deux amis d’enfance, deux premiers voisins se quereller et se raccorder avec autant de facilité. Mais depuis plus d’un mois, ils ne se saluaient même pas. Pierre-Côme, à la fois maire de la paroisse et garde-chasse, avait plusieurs fois averti Didace de ne pas chasser en temps prohibé. Après l’avoir inutilement menacé de le mettre à l’amende, il brûla son affût. Un chasseur ne peut subir pire affront. Aussi plutôt que de parler le premier à Pierre-Côme, Didace se fût volontiers soumis au supplice. Si Gros-Gras Provençal s’imaginait qu’il allait tout régenter dans le pays…

— Aie, Didace, c’est-il ta Gaillarde qu’était là tantôt, attelée sur la charrue ?

De son parler bref, Didace répondit :

— En plein elle, ouais. Mais pourquoi que tu veux savoir ça, Gros-Gras ?

— Parce que si c’est ta jument, ben je te dis qu’elle est pas de la tauraille. Que je vienne jamais à faire baptiser : je te l’emprunte pour le compérage !

Il n’en fallait pas plus pour qu’ils redevinssent compères, compagnons. Didace se rengorgea. Mais tandis que l’attelage du voisin s’éloignait au pas, il se dit :