navigation. Il fallait le reconduire à sa barge.
Didace tempêtait toujours :
— Non ! Qu’il débarque t’de suite ! Qu’il me donne mon canot ! Je les connais trop, ces ban-an-an-des de maudits-là. Ils bèguent rien que pour se chercher une excuse. Tout ce qui fait leur affaire, un poêle, une ancre de mille livres, ils l’ont toujours trouvé en flotte !
La figure cramoisie, il bouillonnait de colère et tout le temps qu’il parlait, à tour de bras il secouait le canot :
— Si j’m’écoutais, mon gars, je te poignerais par l’soufflier, et je t’étoufferais dret là !
Une fois Didace calmé, ils accompagnèrent à la barge l’homme encore blême de peur. Puis ils s’engagèrent de nouveau dans le chenal, avec le canot à la touée. Ils naviguaient en silence depuis un bout de temps lorsque Venant aperçut à un coude de la rivière deux Provençal qui remontaient le courant à la cordelle. Debout, à l’arrière, Pierre-Côme gouvernait le chaland rempli de bois de marée tandis que son fils, Joinville, avançait sur la grève, un câble sur l’épaule, en halant à l’avant. Pierre-Côme, voyant Didace oisif, à fumer, lui cria :
— C’est ça, mon Didace, travaille. L’ouvrage sauve.
— Va chez l’yâble ! riposta vivement Didace.