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LE SURVENANT

— Angélina !

Aucun son de voix ne répondit au Survenant. Mais au tournant de la route, les brouillards s’effilochèrent pour dégager une ombre.

— Je t’attendais, dit simplement Angélina.

Elle ne pleurait pas. Sa voix, calme et basse, avait à la fois un accent de résignation et d’espoir. Sans aucune feinte elle reprit :

— Je t’attendais pour te parler cœur à cœur. Faut que tu te confesses à moi, Survenant. Il y a de quoi qui te mine. C’est-il de quoi de vilain que je t’aurais fait sans le vouloir ?

— Mais non, la Noire. J’ai pas de raisons de me tourmenter.

— Pourquoi donc que t’es plus le même homme qu’avant ?

— Mais non…

— Essaye pas de nier : ta voix sonnait étrange tout à l’heure quand tu parlais devant le monde. As-tu une peine quelconque, quelque déboire que tu cherches à me cacher ?

Le Survenant garda le silence. Le cœur d’Angélina se serra. Avant longtemps il lui arriverait malheur. Elle le savait. Elle le sentait.

— Si tu t’ennuies, dis-le. Garde pas ça en toi, c’est mauvais. Depuis un certain temps j’ai dans l’idée une chose qui te déplaira pas : l’harmonium,