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LE SURVENANT

entrepris d’un bon pas les deux lieues qui séparent le Chenal du Moine, de Sorel.

— Toute une trotte ! admit Angélina.

— Regarde-le travailler, si tu veux te faire une idée de lui.

Non loin de la remise les trois hommes débitaient le bois de chauffage. De chaque côté du chevalet, Amable et Didace sciaient au godendard, mais le père et le fils n’étaient pas d’adon à l’ouvrage. Incapables d’embrayer leurs mouvements, les Beauchemin ne suffisaient pas à fournir au Survenant les bûches que, d’un bras plein d’ardeur, il fendait à la hache et faisait voler rapidement par quartiers.

Avant même que Didace parlât, à un simple regard d’impatience, Venant comprit et alla prendre la relève :

— Ho ! là ! cède-moi ta place, Amable. Faut débâcler ce tas de bois-là avant l’heure du midi.

D’un commun accord, Didace et Venant ajustèrent la scie. Les dents d’acier entamèrent la plane. Angélina ne vit plus dans le vent que deux hommes soumis à un même rythme, bercés par un ample balancement.

Quand Venant se redressa, immobile et bien découpé à la clarté du grand jour, Angélina trouva qu’il avait bonne mine. À la fois sec et robuste de charpente, droit et portant haut la tête, pareil à un