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LE SURVENANT

à la lecture, son esprit pratique reprenait le dessus et livrait un dur combat à son penchant à la poésie. Mais, la plupart du temps, ce dernier l’emportait. N’était-ce pas présomption de sa part et quasiment péché de douter de ce qui était écrit dans un si beau livre de récompense, doré sur tranche ?

Dans son missel, quelques images saintes marquaient des places. Il y avait aussi sur des cartes mortuaires cinq ou six portraits de parents éloignés, du côté maternel. Angélina ne les connaissait pas. Parfois, par respect pour la mémoire de sa mère, elle leur jetait un coup d’œil avant de les englober dans la prière pour les parents défunts. Ils ne lui disaient rien dans leur raideur et le même photographe avait dû leur imposer un port de tête identique. On les eût dits découpés dans l’almanach de la mère Seigel, sorte de panacée contre toute douleur, grande ou petite, morale ou physique.

Elle ouvrait le missel à la première page sous ses yeux et lisait aussi bien la messe d’un abbé que le commun des docteurs ou le propre du temps. Aux passages mystiques « couronne de vie », « enfants de la lumière », « le juste fleurira comme le palmier », « doux hôte de l’âme », elle s’arrêtait, saisie, plus attentive à la musique qu’au sens des mots. Sûrement Dieu l’appelait à Son service. Comment expliquer autrement l’éblouissement intérieur qui la