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Didace dormit mal.

Après une saison de chasse, l’habitude de coucher dans le canot, à l’affût, lui laissait le sommeil léger. Toutefois il n’avait jamais connu pareille nuit d’insomnie. Tantôt agité, cherchant dans le lit de plume un creux où se tapir plus à l’aise, tantôt immobile, le regard fixe, le long du mur, il se demandait ce qui pouvait le tenir ainsi éveillé. De temps à autre, surtout quand il voulait retourner son corps massif, il sentait bien une douleur, comme une main dure, le prendre à l’épaule gauche. Mais il n’était pas une créature pour geindre à tout propos.

— C’est toujours pas le pain ni le beurre que j’ai mangés hier soir qui me font un poids au cœur. Le pain, c’est ma vie.

Non, le pain ne le trahirait pas.

L’air de la chambre parut avare et chargé d’embarras à sa gorge altérée. Il toussa bruyamment dans l’espoir d’éveiller quelqu’un, surtout le Survenant, qui couchait au grenier, juste au-dessus de lui. La couchette en craqua mais Venant ne broncha pas. Dans la chambre voisine Alphonsine renâcla, en proie à un cauchemar. Didace, volontiers de mauvais compte quand il s’agissait de la bru, songea :

— Elle sait seulement pas se moucher !