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LE SURVENANT

Quand Didace Beauchemin s’éveilla, il faisait encore brun. Il s’était assoupi seulement. Son premier soin, une fois levé, avant même de se rendre à l’étable, fut d’aller au bord de l’eau. Tout un jeu de canards dressés pour la chasse, une dizaine en tout, prenaient leurs ébats dans le port. Pour rien au monde il ne les eût cédés, tant ils lui étaient chers. Tout en marchant, par plaisir il imita le sillement du jars. Aussitôt, la vieille cane donnant l’élan, les canes répondirent à l’appel : coin, coin, coin… Hypnotisées par la présence du chien, elles se mirent à suivre Z’Yeux-ronds dans ses gambades, d’un bout à l’autre du port.

— Marche à la maison, Z’Yeux-ronds, chien infâme !

Le chien se tranquillisa et Didace put regarder en paix autour de lui : sous la gelée blanche, la terre grisonnait de partout. Dans les anses, la glace devait maintenant supporter le poids d’un homme. L’eau du chenal, plus épaisse, semblait immobile. Elle avait monté durant la nuit. Elle montait à chaque plein de lune. Voulant consolider le quai, il se pencha pour empoigner un pieu, mais il se releva vite, un cri de surprise à la bouche :

— Torriâble ! mon canot qu’est disparu !

Didace se ressaisit : un canot ne se perd pas ainsi. Peut-être que le vent l’aurait détaché ? Pour-