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LE SURVENANT

pièce, Venant comprit, à son réveil, que la métamorphose attendue arrivait enfin. Il sauta hors du lit. Sous le ciel bas la neige abolissait les reliefs ; elle unifiait toute la campagne dans une blanche immobilité. Il neigeait à plein temps. Ce n’était plus les plumes folles du dimanche précédent. La neige tombait fine, tombait drue, tombait abondante, pour régaler la terre.

Vers midi le soleil se montra, pâle parmi de pâles nuages ; et cependant il alluma des myriades d’étoiles dans les champs.

Didace dit : « La neige restera ».

Et la neige resta.

Avec la neige définitive un apaisement s’installa dans la maison. Chacun vaqua à ses occupations avec plus d’empressement. Venant avait transformé le fournil en atelier auquel seul le père Didace avait accès. À les entendre le canot progressait mais nul n’en voyait la couleur.

Aux premiers chemins allables, les deux hommes se rendirent à Sorel. Ils n’en revinrent que le soir, gais et éméchés, et apparemment de complot dans un projet qu’ils mettaient un soin enfantin à cacher.

Au milieu de la semaine suivante Marie-Amanda arriva de l’Île de Grâce. On ne l’attendait pas si tôt. Un jeune enfant à chaque main, et lourde du troisième qu’elle espérait au printemps, elle s’avança,