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Ce fut à partir de ce moment que la maison recouvra vraiment le don. Dès le lendemain de son arrivée, Marie-Amanda entreprit le grand barda qu’Alphonsine avait toujours retardé. Toute une journée les poulies grincèrent sous le poids de la corde où des pièces de linge pendaient. Vers le soir les femmes les entrèrent à pleine brassée ; elles en avaient l’onglée. Une odeur de propreté, de confort, s’épandit dans toute la maison et les hommes prirent des précautions inusitées afin de ne rien salir.

— Tu vas te morfondre, disait souvent Didace à Marie-Amanda.

Mais elle n’eut de reste que tout fût à l’ordre et qu’il y eût aux fenêtres, comme au temps de Mathilde Beauchemin, des rideaux empesés à point et, sur les lits de plume durement secoués, de grands carreaux d’oreiller rigides, trônant, solennels à la tête des couchettes ; l’un portait comme motif brodé de fil rouge, un enfant endormi ; l’autre, un enfant éveillé, avec, en dessous : good-morning, good-night. Dans l’obscurité de la commode, les catalognes et les ronds de tapis nattés attendaient leur tour de donner un air de fête à la maison.