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MARIE-DIDACE

À force de privations, à laver au caustique les bateaux, à écurer des parquets de bois mou qu’elle s’enorgueillissait de faire reluire « jaune comme de l’or », à nettoyer des coquerons, besognes que les autres femmes de journée refusaient, elle avait amassé de quoi acquérir un petit lopin de terre, puis de quoi y faire bâtir une cabane à simple rang de planches, lambrissée de papier goudronné, près du cimetière, comme pour être plus vite rendue dans la tombe.

— Savoir qu’elle vivrait pas trop vieille, dit d’une voix avinée le plus vieux des garçons.

Didace comprit que la vieille passait son bien à ses fils.

— La petite Pipe qui se donne à ses trois veaux, se dit-il. Si c’est pas misérable !

— Ben oui ! Savoir que je vivrais pas trop vieille…

Ses pieds balançant dans le vide, la Petite Pipe participait à la conversation, comme s’il se fût agi d’une étrangère. Ses yeux flétris allaient de l’un à l’autre de ses enfants, cherchant où appuyer sa faiblesse, sa vieillesse. Que n’eût-elle consenti pour accommoder ses garçons !

— Qui saurait qu’elle ferait pas une trop longue maladie avant de mourir… je la prendrais ben.

Ils s’entendaient à merveille pour partager le