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MARIE-DIDACE

— Penses-tu ça, Marie-Amanda, que c’est une de ces femmes-là qui me l’a pris, le Survenant ?

L’image de la Bohémienne rencontrée à l’été, près du petit bois de la Comtesse, la hantait. Qui sait si le grand-dieu-des-routes n’avait pas retrouvé la gypsy, avec ses yeux et ses étirements de chatte.

— Pense pas ça, folle. Pour moi…

— Parle !

— … c’est ni un tel, ni une telle qui nous prend ce qu’on aime…

Marie-Amanda s’arrêta dans le vent afin de respirer, puis reprit :

— C’est le temps. Le temps qui vient à bout de tout. T’as l’exemple de mon père. Il aimait ma mère. À sa façon, si tu veux. Mais il l’aimait gros, Et à c’t’heure qu’elle est morte, il en a une autre.

La voix enrouée de chagrin, elle ajouta :

— Ma mère avait fait son temps.

Des parcelles de neige et des larmes brillant à ses cils, Angélina se retourna tout d’une pièce.

— Je te comprends pas. L’autre fois tu me prêchais que le temps arrange tout. Aujourd’hui tu dis le contraire.

— Je dis pas le contraire. Je t’ai dit que tout se calme à la longue, notre joie comme notre peine. Tout s’en va avec le temps.

Angélina ralentit le pas. Les souvenirs affluaient