Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/103

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prenait l’assistance à témoin de ses plus récentes constatations :

« Il change pas ». Ou bien : « On dirait qu’il veut changer ».

Si quelqu’un s’avisait de raconter la mort de Noé Dulac, Mariange en était mortifiée comme si elle eut été par le fait même frustrée d’un bien personnel. Elle reprenait le récit aussitôt en y ajoutant quelques petits agréments à sa façon.

L’œil à tout, elle retarda le réveillon jusqu’à une heure du matin afin de décourager les parasites de réputation qui recherchaient l’aubaine d’un repas gratuit.

Vers l’aurore, Caroline, seule auprès du cercueil, devant l’homme de bon conseil dont elle n’entendrait plus la voix rassurante, mesura de la pensée la perte qu’elle venait de subir. Combien de fois n’aurait-elle pas voulu lui ouvrir son cœur. Mais toujours un poids de gêne l’en empêchait.

Dans le silence opaque de la chambre mortuaire, soudain un désir irrésistible lui vint de toucher la main cireuse. Seul un froid étranger répondit à son étreinte. « Trop tard » semblait ricaner la mort. Les voix éternelles parleraient désormais plus fort aux oreilles de Noé Dulac que celles des érables de son pays.

Quand Mariange, une heure plus tard, chercha Caroline pour la conduire au juge Dulac, elle la trouva encore prostrée.

Le juge Dulac se montra très affable avec Caroline et il la présenta même à son ami, M. Nash, rédacteur-en-chef du