Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/123

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mère jusqu’à ce qu’elle lui eût trouvé son sac de marbres. Pas encore contente elle fureta dans tous les coins de la maison ; elle se hissa jusque dans le haut des armoires, vida des vieilles boîtes à chapeaux et bouleversa toutes les garde-robes pour chercher une allée irisée. Quand elle l’eut découverte par hasard dans le tiroir du moulin à coudre, elle réunit ses amies et dès lors la maison ne fut plus qu’un cri de joie et un roulement continuel de billes sur le plancher. La plus cossue de toutes, la fille du maire, gâta un peu la partie quand elle leur apprit, à l’heure de la collation, que sa mère lui avait apporté de la ville un manteau à col de matelot et une tourmaline à l’avenant avec, en lettres d’or, sur le ruban, le nom d’un bateau. Toutes la trouvèrent chanceuse mais ne lui en voulurent pas trop.

— C’est pas de valeur, dit l’une, son père est maire.

Une autre reprit :

— Le mien est pas riche et j’étrennerai pas une tourmaline, mais on vit bien quand même.

Et le plaisir interrompu un instant recommença de plus belle.

À chaque carrefour, des jeunes gens s’accrochaient par grappes. Impatients d’être embauchés pour la navigation et de regarder passer l’eau, ils guettaient la débâcle et trompaient le temps en se colletant ou bien ils devisaient à voix joyeuse.

Aux yeux de Caroline, le printemps signifiait : Notre-Dame-des-Neiges, la Belle-Rivière avec sa première eau clapotant au soleil, la cabane à sucre, l’école et les