Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/135

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tuaient le cycle des événements toujours semblables et toujours nouveaux. Qu’un matelot fêtât un peu trop bruyamment son retour au port, qu’une douairière fit une chute douloureuse sur le trottoir, qu’un cheval s’emballât, le journal y trouvait là la plus riche nourriture de ses notes locales mais non sans avoir au préalable averti ses lecteurs qu’il n’en donnait les détails que « sous toutes réserves ». Cette tranquillité disons-le — qui frisait de près l’ennui était largement compensée par l’absence de tout malfaiteur : on pouvait dormir des deux yeux à l’Anse-à-Pécot.

Aussi le geôlier avait-il beau se désâmer à blanchir les cachots et à soupirer en face de la soupane — croûteuse à force de languir — qu’il tenait toujours prête pour quelque prisonnier éventuel et qu’il jetait à regret, le soir venu, la prison demeurait vide. Lui seul, prisonnier de son ambition, y errait en se donnant l’illusion d’être entouré de bandits. Parfois il se laissait même aller jus-