Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les petites filles.

Sous la parole de Caroline, le moindre fait s’animait. Bientôt l’histoire Sainte ne fut plus une leçon difficile, mais un aimable défilé des images en couleurs d’Épinal.


Les jours, les uns après les autres, se remirent à tomber dans le sablier du temps. Il y en eut de légers et soleilleux, d’autres, clairs, sonores même où tout semblait facile et il y en eut d’autres épais de brume et de vague nostalgie, tous utiles dans leur alternance de lumière, de calme et d’ombre, chacun laissant son empreinte sur les corps et sur les âmes.

Et puis, des semaines passèrent ; et puis, des mois. Le cœur de l’Anse-à-Pécot continuait de battre à petits coups faibles et réguliers. La pêche d’un poisson-perroquet avait, un bon bout de temps, alimenté la conversation des Pécotins, mais tout s’use à la longue ; ils prenaient maintenant leur plaisir à causer d’autre chose et Caroline oubliait peu à peu son entreprise d’écrire des sketchs pour la radio. Elle pouvait maintenant distinguer entre « ce Qui se fait » et « ce qui ne se fait pas » à l’Anse. Ainsi une dame de la bonne société l’avait charitablement avertie qu’à aller lire, par un beau dimanche avant-midi, sur un banc du parc, elle risquait de se faire mal juger. « Après tout, avait-elle ajouté, il faut savoir tenir son rang. À plus forte raison quand on possède un don, comme vous ». Car pour elle, ainsi que pour plusieurs, écrire était un don pareil à celui que possède le septième garçon ou la septième fille et qui ne demande pas plus d’effort. Sur un signe, les mots, par magie, s’alignent d’eux-mêmes sur le papier.

Les feuilles avaient atteint presque à