Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/142

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brilement le canot signalé à une faible distance. Sous les phares puissants du port, ils eurent tôt fait de le repérer. Leur plan d’attaque avait été habilement préparé. Quand Jones mit pied à terre, Salvator lui dit :

— Les messageries m’envoient vous avertir qu’elles ont reçu un paquet à votre nom. Si vous voulez, je vais vous y conduire tout de suite.

L’Indien accepta après avoir confié son canot à quelqu’un de fiable, sur la recommandation de Salvator. En cours de route, petit à petit, il se défigea : son aventure était une partie qui se jouait entre la gloire et la mort et il en était l’enjeu. Après avoir pris connaissance du contenu du colis, un couvre-tout d’une texture à la fois légère et imperméable — il leur donna rendez-vous, au point du jour.

De bon matin, Caroline se rendit sur les quais. Salvator y était déjà et en grande amitié avec la Sauvage. Une fois ravitaillé, Jones appareilla et à grands coups d’aviron, il décosta habilement. Longtemps ils suivirent des yeux le canot qui, peu à peu, s’amincissait en un simple trait rouge par contraste avec la large raie blanche que traçait sur l’eau un trois-mâts gigantesque.

Deux vieux navigateurs étaient là, eux aussi, qui regardaient la fragile embarcation disparaître dans le lointain.

— T’as pas confiance ? dit l’un.

Pour toute réponse, l’autre branla la tête.

— C’est beau quand même d’être jeune, dit le premier.

— Oui, mais c’est moins beau d’être fou.

Eux qui connaissaient les traîtrises du golfe savaient bien qui gagnerait la partie. Et tout le reste de la matinée, ils bourrèrent leur pipe en silence.

Caroline ramassa toutes ses notes et pour la première fois, elle fit un excellent reportage.