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Chapitre XIX


L’espérance, selon le mot de la bible, brille avec le Jour.

Pour Caroline, combien d’autres journées commencées dans la lumière d’un matin prometteur finirent dans la lassitude et le découragement ! Un automne pluvieux et venteux achevait de l’imprégner de sa mélancolie. Où vais-je, se demandait-elle souvent. Je suis une réfugiée qui fuit sur une route étrangère. C’est vrai, je fuis. Je fuis la région de ma belle jeunesse dévastée par ma faute.

À part de lui signifier un ordre ou une remarque, Philippe ne lui adressait plus la parole. Bien qu’apparemment il n’y eut pas prêté attention, la scène du rire devant mademoiselle Lacourse l’avait profondément humilié. On aurait dit qu’à partir de ce jour, il avait abaissé entr’eux deux une grille infranchissable. Jamais la moindre confidence ne jaillissait de ses lèvres. Aucun compliment, aucun reproche n’allait apprendre à Caroline ce qu’il pensait de son travail. Comme ils partageaient la même pièce, leurs silences, hostile d’une part et entêté de l’autre, s’affrontaient à pleines journées.