Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce fut ainsi que Caroline Lalande apprit que deux enfants avaient péri dans le feu.

J’irai à Montréal et je m’en expliquerai avec monsieur Nash, se dit Caroline. Il comprendra tout. Mais en même temps, sincère avec elle-même, elle se demandait si elle était tout bonnement malchanceuse, si l’instinct de la nouvelle lui manquait ou si le journalisme d’action n’était pas un métier de femme, du moins d’une femme aussi peu aguerrie qu’elle aux contacts violents et indispensables. Parfois, elle lisait les écrits mielleux de consœurs en journalisme qui avaient la réputation d’être « bien douées » et qui se saluaient réciproquement ou qui en saluaient d’autres aussi bien douées d’épithètes doucereuses et qui crispent les nerfs ainsi que le velours, au toucher : la talentueuse, la charmante, la gentille, la jolie, etc. C’est donc ça, le talent, se disait Caroline, incrédule, et elles ont un don que je ne possède pas. Mais y a-t-il une d’elles qui aurait eu le cœur de lancer l’appel à ses sœurs : « Jeunesse paysanne, écoute » ? Elles préféraient se jeter d’une à l’autre des petits cris de joie qui faisaient l’effet de chatouillements, d’agaceries. « Et pourtant elles triomphent » conclut tristement Caroline, « mais personne ne me fera croire qu’elles sont dans le vrai chemin ».

Mariange, qui ne ménageait pas ses pas, venait à tout propos offrir à Caroline de lui rendre de menus services. Soudain, elle lui dit :

— J’oubliais de vous apprendre quelque chose : vous avez reçu une lettre pendant votre maladie.

Au grand ébahissement de Caroline, c’était une lettre du poste de radio, la prévenant que son projet de programme avait été jugé intéressant par le comité de lecture, mais qu’il faudrait y apporter certaines modifications.

Mariange n’en revenait pas d’avoir sous son toit un auteur d’histoires pour la radio. Elle redoubla de soins envers Caro-