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Page:Guèvremont - Tu seras journaliste, feuilleton paru dans Paysana, 1939-1940.djvu/37

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lier, à deux pas d’ici. Il est en train de préparer son éditorial pour le numéro de demain.

Je garde la direction du journal, mais de fait, il est le patron. Peut-être vous paraîtra-t-il, à l’occasion, un peu brusque et autoritaire — la tante qui l’a élevé l’a bien gâté — mais c’est un cœur d’or et j’espère que vous vous entendrez bien tous les deux.

Ce jour-là, Caroline ne vit pas grand’chose de l’Anse-à-Pécot. L’atelier était à peine à une rue de la demeure des Dulac. La fanfare de la ville donnait un concert dans le parc ; aux notes violentes d’un trombone qui étouffait les autres instruments répondait le cri strident d’une sirène de bateau. Durant le bref trajet, elle n’eut donc pas à dominer sa gêne et à faire des frais de conversation.

Contrairement à ce qu’avait annoncé Monsieur Dulac, son fils n’était pas à l’atelier. Dès le seuil de la porte, il eut beau le héler à la force de sa vieille voix, on n’entendait pour toute réponse que le bruit des presses. Il fit passer Caroline dans une pièce attenante à la salle d’attente. Un écriteau sur la porte en réservait l’accès uniquement à la direction.

Caroline attendait depuis une dizaine de minutes, en feuilletant des revues, quand soudain la porte s’ouvrit en trombe. Un jeune homme approchant la trentaine s’y jeta plutôt qu’il y entra et avant même que son père lui eut fait le moindre geste pour signifier la présence de la nouvelle venue, le fils Dulac s’exclama :

— Il paraît que la maîtresse d’école est arrivée !