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JOURNAL

et large canapé ; au milieu une table ronde, des chaises de paille, un vieux fauteuil en tapisserie où s’asseyait Maurice, meuble sacré ! deux portes à vitre -sur la terrasse ; cette terrasse sur un vallon vert où coule un ruisseau, et dans le salon une belle madone avec son enfant Jésus, don de la reine, voilà notre demeure ! assez riante, où ceux qui viennent se plaisent, qui me plaît aussi, mais tendue de noir, dedans, dehors : partout j’y vois un mort ou je le cherche. Le Cayla sans Maurice !

[Sans date.] — Marie, ma sœur, m’a quittée pour quelques jours, Marie, notre Marthe, car elle s’occupe de beaucoup de choses dans la maison, me laissant la part du repos, la bonne sœur. Je ne connais pas d’âme de femme plus dévouée et s’oubliant davantage. Quand je ne l’ai pas, ma vie change au dehors, se fait active, et je m’étonne de cette activité et de ce goût de ménage avec mes goûts tout contraires. Naturellement je ne me plais pas en choses de maison et gouvernement de femmes. Volontiers je le laisse à d’autres ; mais si la charge m’en vient, je m’en acquitte de bon cœur, sans y trouver de répugnance, sans m’ordonner comme il arrive qu’il le faut faire du moi qui veut au moi qui ne veut pas, en tant et souventes fois.

Ne pourrais-je mieux écrire que ces riens du tout, que ce pauvre moi-même ? L’insignifiant passe-temps ! et qu’il tient à peu que je ne le laisse ! Mais Maurice