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préface

charmeur, celui-ci, grâce à son lyrisme brusquement éparpillé en vol vers le ciel, comme telle gent bruyante de pillards oiselets, dont les plumes seraient azur, émeraude, burgau, pourpre et or… Mais que voudrait-on gourmander ? Diffusion pléonastique ; exubérance outrée, que dissimule mal l'étincelante trame d'un style précieux et « artiste ? » Allure disloquée et comme déhanchée, sous l'éblouissement de la rime tintinnabulant ?… Tous ces défauts adorables, comment les reprocher sérieusement à M. de Banville ? La fougue de son lyrisme, le charme de son esprit si personnel feraient vite oublier les sermons. — Mais si vilipender ces vers boiteux serait d'un pédantesque sot, puisqu’ils ont les ailes de la divine folie — les mettre au niveau des vers de Leconte de Lisle serait d'un étourdi maladroit[1], car les endiablées fantaisies du Joli, grimaçantes à ravir, se doivent éclipser, malgré tout leur charme, devant l’austère et calme majesté du Beau[2].

  1. Pourquoi « serait » ? Je sais de ces maladroits, hommes d’esprit au demeurant, mais obstinés dans leur erreur.
  2. Soucieux de protester contre les enthousiastes qui déifient M. de Banville, je ne voudrais point passer pour un vil détracteur. Il est dans les Stalactites, j’en conviens, il est dans les Exilés, de vraiment belles poésies qui ne laissent désirer qu’un peu de sévérité dans la conception et de sobriété dans le « rendu » ; mais ce me semblent vers de seconde main. Là n’est point, à mes yeux, la vraie originalité de Banville — qui demeurera !, malgré qu’on en ait, le prodigieux gouailleur bon enfant des Odes funanbulesques.
    À côté du nom de Banville, citerai-je — pour mémoire — le nom de feu Albert Glatigny, son surprenant sosie, lequel n’eut qu’un tort : celui d’être venu le second ?