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les flûtes alternées

Garde en ses bois, ses prés et ses escarpements,
Des grains pour les oiseaux, des fleurs pour les amants.

Or, c’était un agreste et très vieux cimetière
Blotti dans un repli de la falaise altière
Sous la brume en hiver et sous l’herbe en été.
Et dès l’aurore, au bout du sentier déserté,
Pensif, tremblant, ému comme d’un sacrilège,
Je poussais l’humble grille et j’écartais la neige,
Tandis qu’en croassant s’envolaient les corbeaux.
Dans la bordure rare et sombre des tombeaux,
Frileuses sous le givre et ses blanches paillettes,
Vos touffes frissonnaient, ô pâles violettes !
Et j’emportais ces fleurs des tombes sur mon sein
En songeant que les morts absolvaient mon larcin
Et qu’il était pieux peut-être et que les âmes
Près de moi chuchotaient, complices et sans blâmes :
Aime ! Dépouille-nous ! Prends ! Nous te comprenons.
Les fleurs que tu volais, c’est nous qui les donnons.