Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/194

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L’insatiable cœur de l’homme est comme un gouffre
Que l’or ni le désir ne combleront jamais.
Puissance, orgueil, vertu, lassent comme des mets
Oubliés sur la table en des festins funèbres.
L’homme n’est qu’un aveugle au milieu des ténèbres.
Vanité ! Vanité ! Tout n’est que Vanité !

Un autre coupera l’arbre que j’ai planté,
Un autre, en mon verger s’asseyant à ma place,
Vendangera ma vigne et sur la branche basse
Du figuier que j’aimai moissonnera mes fruits.
O vanité ! Travaille, amoncelle, jouis !
L’Abîme te réclame et ton fils attend l’heure
De compter l’héritage, au fond de ta demeure.
Malheur à moi ! Je suis inaccessible et seul,
Vêtu de ma splendeur comme d’un grand linceul.
Nul autre bruit humain ne frappe mon oreille
Que la voix des flatteurs, mensongère et pareille
Au sifflement du vent sous un seuil descellé.
Un éternel soupçon ronge mon cœur troublé ;
Et j’ai maudit l’amour : car j’ai vu toute femme
Qui tendait en riant le filet de son âme,
Les chaînes de ses mains et le lacs de son corps,
Plus amère aux vivants que le Schebl aux morts.
O vanité de naître ! O vanité de vivre !
Vanité de tenter ! vanité de poursuivre !
Vanité de la gloire et de la royauté !
Vanité de l’amour ! Tout n’est que vanité !
Tout !... si ce n’est la mort. Homme ou bête grossière,
Faits d’un même limon,