Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/215

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Et saluant de loin la rive abandonnée,
Ont vogué vers Tarschisch et reconnu Gadir.
Hommes de Zour, amis, qui les voyiez bondir,
Ainsi que des dauphins, sur les vagues perfides,
Où sont-ils ? Mes vaisseaux désemparés et vides,
Aux rochers de Kitthim ont-ils crevé leurs flancs,
Ou, s’échouant aux bords des Saqalas sanglants,
Obstrué les détroits de leurs vastes épaves ?
Les chefs étaient prudents, les marins étaient braves,
Et Baal-Iathon, fils de Kelesch-Baal,
Vieux pilote d’Arvad et nautonier royal,
Habile à distinguer la place des Kabires,
Vers le nord, au départ, guidait les trois navires.
Hélas ! la coque ronde était solide encor.
L’image de Melqarth, en bois revêtu d’or,
Trônait superbement sur la proue éclatante,
Et la pourpre teignait la voilure et la tente
Où, serrés à l’abri, s’étageaient les ballots.

Moi-même, hélas ! moi-même, autrefois, sur les flots
J’ai conduit, plein d’espoir, leur course aventureuse.
Mais, vainqueur de la mer qui bouillonne et se creuse,
N’ai-je point malgré tout, tempêtes, vents, dangers,
Gouffres et tourbillons, pirates étrangers,
Ainsi que des requins embusqués dans les havres,
Malgré la faim, la soif, les combats, les cadavres
Des compagnons jetés à l’abîme écumant,
Ramené mes vaisseaux au port d’embarquement ?
Salut, ô jours anciens, où sur les lames hautes