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LA LAMENTATION D’IŠTAR

Pleurez ! Et désertant les monts, le temple altier,
La caverne, la crypte ou les eaux éternelles,
Venez ! Précipitez vos foules fraternelles
Et prolongez les pleurs et le gémissement
Près du lit funéraire où gît l’Unique Amant ! —
Et dans un tourbillon, la plainte solitaire
Courut, plus lamentable, aux bornes de la terre,
Dépassa la tempête, épouvanta les cieux
Et troubla le repos et le sommeil des Dieux.
Et les temples lointains, quand les Seigneurs gémirent,
De la base au sommet chancelèrent, frémirent,
Comme des monts fendus par de sourds tremblements,
Tandis que furieux, hors des portails fumants
Et des murs crevassés par de brusques secousses,
Dans un cercle d’éclairs, noyés de vapeurs rousses,
Les Dieux de pierre et d’or se levaient tout à coup.

Ils venaient. L’Univers, d’un bout à l’autre bout,
Oscillait de terreur au bruit de leur passage ;
Et la Lune voila d’effroi, comme un présage,
Sa corne intermittente au firmament sanglant.
Ils venaient par le ciel, d’un vol rapide ou lent,
Par les chemins obscurs qui s’ouvraient dans les nues,
Par l’abîme coupé de routes inconnues,
Par les déserts muets où leurs pas étouffés
Se croisaient au hasard sur les sables chauffés,
Par les gorges, les pics et les forêts lugubres,
Par les roseaux brisés des marais insalubres,
Par la mer convulsive où leurs barques d’airain