Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
19
LA LAMENTATION D’IŠTAR

Ea nageait dans l’ombre et déchirait les flots
De son ventre écaillé qu’un torse humain domine.
Précédé par la peur, suivi par la famine,
Nirgal, le combattant, bondit comme un guerrier,
Prend sa masse, secoue à son bras meurtrier
Un monstre agonisant aux griffes acérées,
Et son pas, qui résonne au-dessus des contrées,
Roule, comme un tonnerre, au mois ardent du Feu.
Mardouk, tel qu’un lion, se dresse, et du milieu
De la chambre splendide où sa vigueur repose,
S’élance, casque au front, brise la porte close,
Saisit son arc, étreint, sous le bouclier clair,
Son glaive tournoyant comme un vivant éclair,
Pointe sa lance, part et s’engouffre dans l’ombre.
Et la foule des Dieux hors des temples sans nombre
Bouillonnait ; et des cris, des pleurs, des bruits de char
S’élevaient sur Larsam et montaient de Sippar.
D’Ourouk à Ninouâ, de Nipour aux enceintes
De Borsippa, des murs vêtus de briques peintes
Aux dômes indécis de cèdre et de métal,
Une immense clameur troubla le sol natal,
A l’heure où, désertant les sphères éternelles,
Assour au cœur du Disque ouvrit ses larges ailes.
Et, comme un long cortège en deuil, de toutes parts,
Les yeux brûlés de pleurs et les cheveux épars,
De leurs ongles aigus lacérant leurs poitrines,
Volaient, derrière lui, les épouses divines,
Belit et Damkina, la molle Zarpanit
Qui presse de la main son ventre de granit,