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Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/44

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LES SIÈCLES MORTS

Comme un clairon funèbre, au fond des nécropoles
Et des palais divins, va troubler les Idoles.
Les verrous sont rompus ; sur de hauts escaliers
De gigantesques Dieux se pressent par milliers.
Comme de grands oiseaux s’abattant sur les chaumes.
Leur innombrable foule envahit tous les Nomes,
D’Abou jusqu’à Saï, d’Ouas à Mannower.
Tel qu’un fauve guerrier, Set tend son arc de fer,
Et s’écrie, et joyeux d’ouvrir une autre tombe,
Annonce que là-bas un Dieu nouveau succombe.
Dans la tempête, au loin, mugissent les Hapis ;
Les monstres anxieux et les Sphinx accroupis
Ainsi que des gardiens devant de lourds pylônes,
Les Animaux sacrés, parmi les sables jaunes,
Découpent vaguement des profils léonins ;
Et d’autres, abaissant sur des corps féminins
Des mufles élargis, coiffés de doubles plumes,
S’effacent tout à coup dans l’océan des brumes
Que le Fleuve soulève au travers de Mousri.
Ammon-Râ flamboyant, traîné dans la bari
Par deux chacals, suivi de noirs cynocéphales,
Apparaît un instant et fuit dans les rafales.
Pthah, tel qu’une momie, et Khem générateur
Et le morne Osiris traversent la hauteur
Du Ciel solaire, où passe, en troupes incertaines,
La plaintive tribu des Déesses lointaines.

Telle hurlait la Voix ; tels des quatre côtés
Du monde s’élançaient les Dieux épouvantés.