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LES SIÈCLES MORTS

Les Dieux supérieurs ; je suis l’herbe coupée
Sous la luisante faux que tient leur main crispée.
Je suis le brin flétri sous les rameaux en fleur.
Fais rouler le portail sur les gonds du Malheur :
Selon l’usage ancien, par la blême avenue
Qu’elle entre en se courbant méconnaissable et nue ! —

De l’humide plafond, des murs fuligineux,
Des serpents qui tombaient m’enlaçaient dans leurs nœuds.
J’entrai. Mais je sentis, dès le premier passage,
La main du noir Gardien qui frôlait mon visage,
S’abaissait, lacérant dans l’ombre, à mon côté,
Les vêtements épars de ma Divinité,
Et m’arrêtant devant les Sept Portes obscures,
D’un geste impitoyable arrachait mes parures.
Ma tiare éclatante et mon bandeau souillé
Tombèrent brusquement de mon front dépouillé.
Les rubis incrustés de mes pendants d’oreilles,
Pleins de flamboiements clairs et de rougeurs pareilles
Aux pourpres du matin sur les sommets neigeux,
De leurs orbes sanglants trouaient le sol fangeux,
Tandis que de mon cou s’égrenait sur les dalles
La laiteuse blancheur de mes colliers d’opales.
Puis ma robe frangée, aux larges plis soyeux,
Et ma ceinture d’or où rayonnaient des yeux
Et des pierres d’azur parmi des perles blanches
Jusqu’à terre à leur tour glissèrent de mes hanches.
Pareils à des serpents, mes bracelets tordus
S’échappaient, un par un, de mes bras éperdus,