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LA LAMENTATION D’IŠTAR

Filtre par la muraille et, noyant la coupole
D’un flot de pourpre et d’or, la consume et la fend,
Tandis que, suspendu sous le ciel triomphant,
Embrasant d’un seul coup la vaste plate-forme,
Du Temple intérieur jaillit le Disque énorme.

Alors, comme un troupeau qui s’éveille et franchit
Les enclos trop étroits, quand le matin blanchit
Sous les joncs desséchés l’eau moins sombre des mares,
Les Dieux de Babilou, les Baalim barbares,
Tous ceux qu’avait poussés d’un souffle continu
L’irrésistible vent dans le temple inconnu,
Sortirent de la nuit, et du haut des terrasses,
Vers leurs cieux paternels tous les Maîtres des races
S’envolèrent ensemble au fond du firmament.
Et sur l’immense azur, dans le ciel écumant
De flots d’or, effondrés dans la pourpre des vagues,
Les Dieux évanouis fuyaient en ombres vagues.
Dans la sainte hauteur de l’Abîme éternel
Anou disparaissait, et les cornes de Bel
Semblaient trouer l’espace où, par la déchirure,
Mardouk resplendissant agitait son armure.
Au cœur d’un incendie ouvrant ses plumes d’or,
Le Disque ailé d’Assour prend un suprême essor
Vers Ninouâ lointaine et les villes de pierre
Dont le soleil levant allume la poussière.
Pesants, d’un lourd sabot rasant encor le sol,
Les Taureaux enivrés, ébranlant dans leur vol
Les dômes et les tours et les observatoires,