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Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/81

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Naguère j’ignorais les noms de ses provinces,
J’étais le Roi puissant d’Akkad et de Šoumer,
Dont le pied s’essuyait au front de tous les princes,
Des montagnes du Nord aux sables de la mer.

Bien loin du soi natal je transplantais les hommes
D’Aq’harrou, de ’Hatti, d’Êlam et des tribus
De Kousch ; et les Gardiens des métaux et des sommes
Dans les coffres de cèdre entassaient les tributs.

Fils des Rois très anciens, Vengeur des Dieux sublimes,
Je clouais les enfants aux portes des cités,
Joyeux des hurlements d’un peuple de victimes
Sur les bûchers tordus par les vents empestés.

Et je dressais sur les remparts des croix sans nombre,
Comme on borde un chemin de cyprès réguliers,
Et je plantais des pals de bois dur où dans l’ombre,
Les yeux crevés, râlaient des vaincus par miniers.

J’ai peur. Qui frappe encor son Roi, comme un esclave ?
La lanière de cuir mord en sifflant ; ma chair
Saigne ; mes lourds genoux fléchissent, et je bave
Ma salive fétide en un sanglot amer.

Où sont mes Dieux, les Dieux augustes de nos Pères,
Ceux pour qui j’ai versé l’huile épaisse et le vin,
Et Celui dont le geste offrait, aux jours prospères,
La corbeille tressée et la pomme de pin ?