Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/89

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Comme un vin qui fermente et déborde le vase,
O Roi, ton cœur gonflé s’échappe dans tes cris ;
Et frémissant de joie et d’orgueil et d’extase,
Tu jettes ta parole aux horizons surpris :

— Babel ! Babel ! Berceau de l’Empire ! ô merveille !
Siège de mon repos et de ma royauté,
Nabou-koudour-ousour, comme un pasteur qui veille,
A protégé ton peuple et gardé ta beauté.

Aussi, quand tu verras les cités disparues
Bossuer le désert où niche le hibou,
Tu t’épanouiras sur leurs cendres accrues,
Comme un pin solitaire au jardin d’Éridou !

Moi-même dédaignant l’immuable poussière
Du Pays sans retour où dorment mes Aïeux,
Pour les siècles futurs ; sur des tables de pierre
J’inscris mon nom royal près de celui des Dieux. —

Alors, parmi la foule autour du trône antique,
Le captif Daniel leva son bras plié ;
Et le Roi vit passer, en son œil prophétique,
L’épouvante prochaine et le songe oublié.