Page:Guerne - Les Siècles morts, I, 1890.djvu/92

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Le présage était vrai. Les Dieux d’une autre race,
Tels que des conquérants gorgés d’or et de vin,
Sur son trône avili s’assoiront à sa place.

Mardouk songe en son cœur impénétrable. En vain
Le parfum de Tarschisch s’évapore et balance
Un nuage odorant autour du front divin.

Vainement devant lui l’eau murmure et s’élance
En perles des bassins de marbre et de métal :
Mardouk ne voit plus rien ; il attend en silence.

Il attend le témoin de son ennui fatal,
La Vierge qui, vouée aux insultes futures,
Le verra d’un seul coup choir de son piédestal.

C’est elle. Torche en main, par les salles obscures
Le prêtre Khaldéen guide ses pas furtifs ;
Et la flamme qui passe éveille les sculptures.

Elle fait se dresser de leurs socles massifs
Les colosses divins, tels qu’une immense foule,
Ouvrant leurs yeux de pierre et dans l’ombre attentifs.

Sur des hauts-reliefs peints, Nirgal enchaîne et foule
Des taureaux fabuleux, convulsés sous son char ;
L’arche d’Hasis-Adra vogue à travers la houle.